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FALLOUT24

Verset 19 : Vulnerant Omnes, Ultima Necat

Après presque une semaine à camper au même endroit sur la rive de l’Hudson, je fus dérangé lors de la préparation de mon repas par un bruit de moteur. Une vedette qui avait du servir pour le tourisme se dirigeait à grande vitesse vers la berge. J’attendis patiemment, les bras croisés, afin qu’aucune méprise ne soit faite quant à mes intentions. Au dernier moment, le bateau vira et ralentit ; un homme à l’intérieur me héla, tandis que deux autres me tenaient en joue :
« Hé, mon gars, je suis sûr que tu vas sacrifier un peu de ta personne pour aider le Gouverneur ! – les deux autres ricanèrent.
- Parfaitement. Je vous attendais d’ailleurs. Depuis une semaine. Vous êtes pas très efficaces les mecs. Alors grouillez vous de me m’amener chez le Gouverneur, et me faites pas chier parce que je serai bientôt votre nouveau chef ! »
Pour le coup, les trois guignols ne rigolèrent plus du tout. Le pilote de la vedette leur fit signe et ils descendirent pour me cueillir. Le larbin non armé m’attrapa rudement le poignet en m’injectant de me tenir tranquille. En réponse, ma main emprisonnée lui attrapa l’avant bras et je lui fis une clef ; un genou à terre, il n’eut pas le temps de protester : je lui assénai deux violents coups de genou dans les côtes et le laissai s’affaler au sol. Les deux autres relevèrent alors leurs fusils en ma direction, manifestement paniqués et ne sachant que faire, jetant frénétiquement des regards affolés entre leur chef et son bourreau. Sans même y prêter attention, je me dirigeai vers l’embarcation en lançant un « Bon, assez perdu de temps ; et au cas où vous l’auriez pas compris : don’t fuck with me ! ». Le pilote, qui n’était pas descendu, ne semblait pas craintif, tout juste étonné. Il attendit que les deux porte-flingue soient montés pour repartir, abandonnant sur le rivage la loque aux gros muscles, se relevant à peine.
La vedette accosta peu de temps après sur un ponton de Governor’s Island, le QG de Karl. Le conducteur se retourna vers moi. Il portait à la ceinture un gros revolver, et je compris rapidement que c’était lui qui commandait, et pas la grande gueule. « Ton petit jeu c’était marrant, maintenant tu pose tes flingues, tu sors et tu joues pas au con. Tu me suis, et si tu dévies d’un demi mètre, tu serviras à nourrir les pommiers du gouverneur ! » J’emboîtai donc son pas, et, après trois checkpoints bien gardés, j’arrivai devant le palais du gouverneur, bien entouré d’une triple rangée de barbelés. Mon guide me mena rapidement à la salle principale, où une cour des miracles se pressait autour du trône sur lequel siégeait Karl, entouré de ses lieutenants les plus directs. Versailles. Le roi soleil en question avait l’air de s’ennuyer mortellement – quel adjectif approprié – devant un pauvre erre en train de mendier une grâce quelconque. Sans même le regarder, le pilote de la vedette le dépassa et alla mumurer quelque chose à l’oreille de Karl. Ses yeux s’éveillèrent et me détaillèrent. Il fit signe au serf de se taire et me dit d’approcher. « Alors, il parait que tu veux me servir… C’est courageux. Mais on me dit également que tu as des tripes. Très bien. Montre le : bute le ! » Les yeux du paysan brillèrent de peur, alors qu’un garde me faisait passer un Luger. Le test vieux comme le monde. Le flingue n’était pas chargé, et si je cherchais à tuer Karl, je me ferais transpercer de toutes part. Sans hésiter, je visai le mendiant en pleurs et pressai la détente. Son crâne explosa, soulevant le dégoût de la foule proche et largement arrosée. Merde ! Le flingue ETAIT chargé ! Ce con aussi avait lu Hombre ! Karl rit des protestations de la foule et me félicita : au vu de mon hésitation, j’étais la personne avec le moins d’état d’âme qu’il lui avait été donné de voir ! Je n’eus pas le temps de me mortifier pour ce meurtre perpétré de sang froid, car Karl m’annonçait que la véritable épreuve commençait, en même temps qu’on me reprenait le flingue. J’allais devoir battre Myron en combat singulier. Ce nom évoquait en moi une image de boutonneux à lunettes, mais la masse de deux mètres qui écarta la foule, au contraire, avait du abuser du Jet, un anabolisant que beaucoup utilisaient pour se droguer, pour arriver à une telle carrure. J’eus un moment de panique, et je reculai un peu. Mon adversaire arriva au niveau du cadavre, et lui marcha dessus. Son pied entra dans la cage thoracique du mort comme dans du beurre. Sans être particulièrement chétif, j’allais me faire rétamer ! Il me fallait une idée. Je fis le tour de la pièce du regard sans trouver d’objet à miracle. Puis je me résignai, je n’avais pas le choix. Alors que la brute se rapprochait, je me mis à courir dans sa direction, en hurlant, pour me donner du courage.
En fait, pas tout à fait dans sa direction, je passai à un mètre à côté de lui, me dirigeant vers l’estrade d’où Karl présidait. A pleine vitesse, je chargeai un lieutenant et l’emportai vers le mur derrière lui. Au dernier moment, je me décalai un peu sur la gauche tout en lui tenant le bras. Emporté par la vitesse, il heurta violement le mur, tandis que je passai l’embrasure d’une porte à côté. Son membre résista à peine à l’énergie cinétique en jeu, et, dans un craquement sinistre suivi d’un hurlement glauque, me resta dans les mains. Je revins immédiatement dans la salle, puis, d’un coup de coude sur la nuque du bougre plié par la douleur, suivi de deux coups de pieds dans la face, j’achevai le malheureux. Je me penchai et ramassai le flingue à sa ceinture, objet de ma convoitise, et braquai le géant qui, éberlué, m’avait regardé l’éviter sans comprendre. « Ok, ok, c’est bon, t’as gagné tire pas » bégaya-t-il, comprenant que c’était son dernier combat.
Malheureusement, furieux d’avoir descendu un ‘’innocent’’, un seul des hommes de Karl ne me suffisait pas pour apaiser mon âme. Cette petite mise au point lui mit du plomb dans la cervelle. Enfin, nonchalant, me sachant braqué par quatre gardes, je me dirigeai vers le maître des lieux, libérant le chargeur, actionnant deux fois de suite la glissière pour vider le canon, et tendant finalement le flingue à Karl. « Tu diras à la femme de ménage que je suis désolé ; si tu savais pas quoi faire de moi, je peux remplacer le manchot. Son mal de crâne lui a été fatal. » Karl attendit une seconde et éclata de rire. « On ne m’avait pas menti : tu es aussi gonflé en actes qu’en paroles. Bienvenue parmi nous, et repose toi, ce soir tu auras deux veuves à consoler ! »
La société idéale que Karl essayait de construire était très simple. La hiérarchie se composait du monde extérieur, des paysans enfermés dans le sud de l’île, des soldats, des chefs de vedettes, de ses principaux lieutenants, et enfin de lui, tout en haut de la chaine alimentaire. L’île était divisée en deux : au nord le quartier des soldats et supérieurs, au sud, là où originellement s’étendaient de vastes jardins, une soixantaine de paysans cultivaient diverses denrées en échange de leur vie sauve. Et tout autour, des gardes patrouillaient sur les quais et empêchaient tous ceux qui n’avaient rien à y faire de s’approcher des vedettes. Quant à la propriété, il suffisait de tuer quelqu'un pour s’approprier ses possessions, dont les femmes, sauf si l’on était condamné à mort suite à l’affrontement. Par extension, tout appartenait au Gouverneur. Les rares femmes à être libres avaient tué plus d’hommes que moi dans toute ma vie et n’engageaient pas à la conversation.
La situation n’était pas aussi simple que prévue. Même si j’étais un conseiller direct de Karl, position renforcée par quelques joyeux massacres perpétrés sur la côte, je n’avais pas accès aux vedettes sans raison. Et s’il l’on me mandatait pour quelque mission, j’avais toujours pour escorte trois ou quatre larbins crétins mais fidèles au pouvoir et à leurs avantages acquis. Sans compter que seuls les pilotes avaient le droit de toucher aux bateaux. Il était sans doute possible d’acheter tout ce monde, mais je n’étais dans la place que depuis trop peu de temps, et les différentes castes ne se fréquentaient que rarement en dehors du travail. Bref, il allait falloir bien jouer.

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