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FALLOUT24

Verset 16 : Dies Irae, Dies Illa

Notre véhicule ayant beaucoup souffert, le moteur troué de toute part, il fallut se décider à l’abandonner. Il allait finir de rouiller là, serait tôt ou tard visité par un groupe de clochards qui arracheraient les banquettes ou les portières ; de toutes façons en sursis, il allait finir de trépasser ici, comme, à plus ou moins long terme, tous les vestiges pré-apocalyptiques. Je démontai toutefois la M2 et la cachai dans l’entrepôt, espérant un jour venir la récupérer. Vassili vida les réservoirs du Hummer dans les jerricans du coffre, puis jeta un coup d’oeil aux choppers. « Sur le réservoir du premier est écrit War. Sur l’autre Famine. J’imagine que War était celui au minigun, on fait difficilement pire en arme de guerre.
-Et pourquoi Famine pour l’autre ?
-On peut penser qu’une double décharge de son flashball chargé avec des balles en bois, à bout portant, dans l’estomac, t’empêche à jamais de manger à nouveau. A jamais, c'est-à-dire une dizaine de jours maximum. Tu avais dit que tu avais vu les inscriptions sur deux motos ?
-War et Death, il me semble. Si tu as juste en pensant que c’est leur nom de scène, il nous en manque un.
-Cherche pas, c’est Pestilence. Et là ça m’inquiète. On retourne au village attaqué. »
Il alla avant tout vérifier que nos ennemis étaient bien morts. Je le sentais inquiet. En utilisant un des choppers sans propriétaires, nous arrivâmes au village attaqué. Le dernier bâtiment retranché était en flammes. Les deux motards à terre n’avaient pas perdu leur temps. On ne retrouva pas non plus leur motos, qui devaient de toutes façons être inutilisables. Nous nous éloignâmes, et le soir, autour d’un feu de camp…
« Ils étaient pourtant certainement blessés, plus que deux. Les villageois auraient pu les terminer. Du reste, ils n’ont rien de divin, on a réussit à en tuer deux. Je me demande comment ils ont pu massacrer autant de gens et de hameaux entiers sans se faire arrêter.
-Nous en avons tué deux, mais en fait, chacun en a tué un, et dans des conditions telles qu’ils étaient désavantagé. War n’avait qu’une arme blanche, même si elle était très dangereuse et qu’il m’a fallu un quart d’heure pour lui faire apprécier la technologie russe. Dans l’entrepôt, son minigun ne passait pas, et il lui aurait fallu plusieurs secondes pour commencer à tirer s’il m’avait aperçu. En terrain découvert je n’avais aucune chance. A quatre, ils sont complémentaires, s’entraident. Un loup seul est peu dangereux, mais tu as peu de chances d’échapper à une meute. L’entraînement également fait toute la différence. La plupart des villageois assassinés sont des paysans qui ont toujours connu la violence des wastelands, mais sont armés d’un simple fusil et d’une fourche. Ceux là sont des tueurs qui ont sans doute connu la guerre ou la folie des années qui suivirent les bombes, où, chacun sachant qu’il allait mourir, tuait son voisin pour des histoires anciennes : il y avait encore des munitions à profusion, et plus de police… Je pourrais à moi tout seul, grâce à mon entraînement militaire, et avec assez de chargeurs, tuer tous les villageois que nous avons vus. Méfies toi, ils sont encore dangereux. »
Le lendemain nous nous rendîmes à la cathédrale. Nous ne savions encore ce que nous allions faire, juste les prévenir à priori. Les deux derniers motards allaient peut-être arrêter leurs tueries. En approchant, je notai une certaine agitation. Le moine que nous avions vu la veille apparut soudain et courut vers nous. « Ne vous approchez pas, la peste s’est abattue sur nous. Hier soir, nous avons entendu frapper à notre porte. Quand nous avons ouvert, nous avons trouvé la tête d’un de nos frères accrochée par les cheveux au frappoir. Depuis, tous ceux qui s’en sont approché sont tombés malades, et l’épidémie se répand. -Pestilence. C’est ce dont nous vous avions parlé, pourquoi votre armée n’a-t-elle rien fait ?
-Ils n’ont rien vu. Ne vous inquiétez pas, ils feront pénitence une semaine. Mais vous devez repartir.
-Ridicule. Ils ont besoin de toutes leurs forces, et de nous également. Pestilence, Famine, War, Death, cela ne vous dit rien ?
L’autre blêmit, et accepta en bredouillant notre offre. Je demandai à Vassili :
-Qu’y a-t-il de particulier avec ces noms ?
-Rien. Une vielle légende, d’une croyance presque oubliée. Ou qui devrait l’être, on voit ce que ça donne. Oublie cela. »
Le moine se présenta comme le Frère Pierre. Il voulut nous montrer sa milice. Contrairement à ce à quoi je m’attendais, nous nous éloignâmes de la cathédrale et du monastère. Il nous amena à un batiment plus éloigné, dont il ne restait que le premier étage. Il s’arrêta et cria : inspection. Douze gamins sortirent d’un trou dans le mur. Ils avaient entre huit et dix ans, étaient tous dans un état lamentable, sales, souvent plus ou moins blessés, jamais en parfaite santé comme ils auraient du. Ils étaient en ligne, le Frère Pierre en était très fier. Je pus voir leur armement. Des frondes artisanales, des crosses de hockey en salle, plus menues que des battes de base-ball, ici un pédalier de vélo, auquel on donnait un mouvement de rotation avec la pédale, avant de le projeter, la roue dentée avait encore des traces de sang, la une barre à mine que le pauvre enfant avait du mal à soulever, et avec lequel il n’aurait jamais pu asséner un coup. « Voilà donc Petrus, Simon, Jacobus Major, Andreas, Joannes, Philippus, Matthaeus, Thomas, Jacobus Justus, Bartholomaeus, Matthias, et celui dont la bienséance nous fait taire le nom, que nous appelons Thaddée. » Je regardais plus en détail le dernier gamin. Il était très menu. Trop menu. Je lui relevai la tête : c’était une petite fille de six ans à peine. Elle tenait dans sa main une antique grenade à fragmentation qui devait dater de la seconde guerre mondiale. Dans un autre temps, j’aurais sourit de cette Holy Handgrenade, mais la farce était cette fois trop cruelle. Je regardai le Frère Pierre. « C’est cela votre armée ? Des gamins promis à une mort certaine, dans les premières secondes du combat ou par la scarlatine s’ils n’y participent pas ? Cette pauvre gamine va certainement éclater avec sa grenade. Vous vous servez de ces enfants comme des chiens chargés d’explosifs que l’on envoyait sous les tanks en 1940. » Le Frère Pierre, d’abord offensé quand j’avais parlé de gamine me sortit un discours sur les créatures divines guidées par les mains du Tout-Puissant, que je n’écoutai même pas, quand un treizième gamin, qui venait d’apparaître, prit la parole. « Thaddée est aussi capable que chacun d’entre nous. C’est certainement le meilleur de nos frères, et c’est mon protégé. » Le Gamin, sans doutes le plus vieux, pas plus de dix ans du moins, avait les cheveux hirsutes, des yeux bleus, portait des haillons comme les autres ; il avait à la ceinture un véritable lance pierre, et de l’autre coté un petit sac qui se révéla plus tard être remplis de billes de plombs : une arme dangereuse, beaucoup plus que la grenade qui pouvait exploser à tout moment. Il avait également une croix chrétienne tatouée sur la face, de sorte que le croisement des deux branches se situait juste en dessous à gauche de son œil droit.
« Et lui, comment l’avez-vous appelé ? Iesus Nazarenus, Rex Iudaeorum ?
-Vous pensez bien que non, nous n’aurions eu l’audace de lui donner Son nom… Nous ne l’appelons pas, où lorsqu’il le faut, Joseph, du nom de Son père.
-Vous êtes ridicule. Je devrais vous laisser tomber, mais j’ai une dette à leur payer. »
Les jours suivants, nous dûmes nous résoudre à coopérer avec les gamins. S’ils ne parlaient déjà pas beaucoup entre eux, ils ne nous adressaient tous simplement pas la parole. Nous n’avions de contact qu’avec Joseph, que je m’évertuais à appeler Inri pour faire frémir le Frère Pierre. Rien de bien excitant, il s’agissait juste de détails techniques et de planifier les gardes. Seule Thadée venait nous voir et nous parlait. Charmante enfant, elle avait plus besoin d’une mère que d’autre chose. Elle était régulièrement rappelée à l’ordre d’un regard sévère par Inri et s’en allait à regret, penaude. Pendant ce temps, au monastère, l’épidémie avait été endiguée par une quarantaine sévère. Les seuls moments agréables étaient les gardes de nuit avec Vassili. Nous pouvions parler, et j’étais toujours étonné de voir autant de culture dans un militaire, ce qui le faisait soupirer en me demandant de ne pas catégoriser les gens.
« Et tu vis simplement comme cela, allant d’injustice en injustice, massacrant bandit et criminels croisant ton chemin. Tu n’as pas de regret ?
-La vie est trop courte pour que je me permette d’avoir des regrets…
-Suivant ce raisonnement, la vie est trop courte pour pas mal de choses, non ?
-Oui… La vie est trop courte.
Devant mon regard insistant, il continua :
-Garde toujours en mémoire ton passé, c’est ce qui te fait toi tel que tu es, plus que tout le reste. Mais vivre dans le passé est une ineptie : on ne vit pas, c’est du passé. Mettre des si et se rappeler est le premier pas vers le suicide. Ou l’apathie. Dans ce monde, c’est la même chose. Se projeter trop loin, c’est être un foutu utopiste. Non, il faut juste avoir un but proche, et avancer.
-Carpe Diem ?
-Carpe Diem a été perverti. On ne sait plus ce que ça veut dire. Carpe Diem, ça aurait pu devenir une marque de chaussures. C’est ridicule. Qui d’ailleurs, à part toi et moi, se souvient de cette formule, qui date d’il y a cinq civilisations ? Il faut revenir à la source. Les mots ne servent à rien. Vis au jour le jour certes, et en ayant un but, sinon tu tournes en rond. Ton but peut même être simplement de prendre du bon temps. De toutes façon, personne n’ayant trouvé le sens de la vie, tu peux te choisir celui que tu veux. Il sera certainement bassement matériel, mais il serait ridicule de ne pas être égoïste. Soit égoïste mais pas hypocrite. Fais ce qui te plait et survis. Dans l’ordre qui te plait, ce qui est important est que les deux soient effectués. Ne remet les choses à plus tard que si tu es sûr d’être encore là. Avant la guerre, tu pouvais te permettre de remettre à plus tard, tu avais peu de chances d’y rester. Mais finalement, les gens ont pris l’habitude, ont vécu machinalement sans but, et ceux qui se réveillaient, à cinquante ans, avaient tout raté. Après tout, l’apocalypse est peut-être une nouvelle chance : on ne peut remettre à plus tard, on est obligé de vivre.
-Tu appelles ça une vie… Et quelle vie tu as, à pourchasser les mauvais.
-Je suis quelqu'un du passé. Je vis dans les ruines de ma civilisation, et finirai de disparaître avec elle. Toi tu es de la transition. Tes enfants devront apprendre à se libérer des cimetières comme New York. Une fois émancipés, ils pourront commencer une nouvelle époque. »
Nous fûmes interrompus par un des gamins qui vint nous chercher. Il ne dit rien, et de retour au taudis qui tenait place de quartier général, nous vîmes Bartholomaeus couché, déjà fiévreux. Quelqu’un avait ramassé la fléchette qu’il avait reçue dans le bras. « Une fléchette hypodermique. Sans doute l’œuvre de Pestilence. C’est comme ça que se transmet la contagion. Il faut le mettre en quarantaine.
-Pas question, il restera se battre avec nous répliqua Inri.
-Tu es ridicule. Chaque seconde passée ici nous rapproche de la maladie. C’est ce qu’ils cherchent évidemment, tous les combattants succombant d’un coup. Il faut au contraire aller à la cathédrale, ils vont certainement subir une attaque prochainement.
Un son de cloche vint appuyer mes dires. Vassili me mit pourtant en garde :
-Il est plus que probable qu’en en blessant un ils aient observé notre QG, et ils s’apprêtent à nous tirer l’un après l’autre.
-Peu importe, l’alerte a été donnée, nous sommes nés pour mourir.
Plus qu’agacé, je lui assénai un violent coup de poing à la mâchoire qui le fit s’envoler et s’écraser contre le mur.
-Comme tout le monde, pauvre con ! Autant faire qu’il y ait le plus de temps possible avant que cela n’arrive.
Je pris Thaddée par la taille et m’apprêtai à partir, suivi par Vassili.
-Vous êtes prévenu, mais peut-être un peu trop con… Si vous restez là, vous êtes condamné. Si vous sortez directement pour aller au secours de la cathédrale, il y a de fortes chances pour que vous soyez décimés. Nous, nous allons sortir par des chemins détournés, ceux qui veulent survivre et ainsi accomplir leur mission peuvent nous suivre. »
Personne ne réagit, le vol plané de leur chef n’avait pas plus suscité de réactions. Thadée quand à elle avait accepté que je la prenne et s’accrochait à moi ; je la mis sur mes épaules. Inri, encore sonné, tâtait sa mâchoire et recrachait régulièrement un peu de bave ensanglantée, et ne devait plus bien se rendre compte de ce qu’il se passait. Je pris la barre à mine qui était posée par terre et aménageai sans trop de problèmes une ouverture assez large dans le mur. Je m’extirpai et arrivai dans ce qui avait du être un jardin décorateur entre plusieurs immeubles de bureaux, et n’avait donc pas de sortie. Il restait de l’herbe, un peu de végétation mais beaucoup de ronces. Dans la nuit, je ne voyais pas grand chose. Derrière moi, Vassili sortit une lampe torche assez puissante et balaya la muraille. Il était possible d’escalader pour arriver à l’étage, mais il fallait le faire sans lumière pour économiser les piles, définitivement introuvables et irremplaçables. Il me fallut plusieurs minutes pour trouver les bonnes prises, mais, après avoir manqué de tomber trois fois, j’atteignis finalement un sol qui semblait tenir. Vassili porta Thaddée qui était restée en bas ; je la hissai, puis mon compagnon monta. Redescendre directement de l’autre côté aurait été stupide, nous nous serions retrouvé à trois mètres de la sortie de la salle de garde que nous voulions éviter. Mi-rampant, mi-marchant, Thaddée s’accrochant à mon pantalon mais ne disant mot, nous arrivâmes à un bâtiment contiguë. Soudain, une détonation, une lumière près de la porte de la cathédrale. Nous restâmes immobiles, mais apparemment nous n’étions pas repéré, peut-être le premier gamin à être allé à la boucherie. Vassili passa devant passa une fenêtre, lorsque le plancher sous ses pieds céda. Je l’appelai doucement, un peu inquiet, mais il finit par me répondre que tout allait bien. Il fallu donc descendre d’un étage, ce qui ne fut pas si facile dans l’obscurité, mais finalement nous nous étions assez éloigné pour pouvoir sortir. Il y eut une nouvelle détonation, puis plusieurs, régulièrement. Sans doute un fusil de Sniper. Vassili arma son MP5, sortit la crosse rétractile et épaula. Il tira trois courtes rafales dans la direction supposée du tireur. Je déposai Thaddée et lui demandai de nous attendre ici sagement, puis nous courûmes vers la cathédrale, penché en avant pour éviter d’être repéré… De la musique provenait du bâtiment, les sons nous arrivaient trop sourd pour que nous puissions identifier la mélodie. Arrivés à quelques mètres, je vis les deux motards rescapés qui forçaient la porte. Death épaula son fusil, mais Vassili tira une rafale. Il n’avait pas visé, ne toucha personne, mais l’effet voulu fut produit : les deux assassins finirent d’ouvrir la porte et rentrèrent. Nous les suivîmes. La cathédrale était illuminée de mille feux. La phrase pouvait être prise au sens propre. Nous nous retrouvâmes face à face avec nos ennemis, visiblement désorientés et ne sachant que faire. Soudain le silence fut brisé par un son fracassant ; même nos adversaires se retournèrent. La musique venait du fond de l’église, le Frère Pierre dirigeait un groupe de jeunes chanteurs dans le chœur ; il nous aidait à sa manière. Malheureusement, sa conduite m’avait déjà énervé, et cet acte stupide sans aucun intérêt achever de me hérisser contre lui. Dies irae. Death tourna la tête, suivi de Pestilence. Le combat allait commencer. Dies illa. Death courut se mettre à l’abri derrière une des énormes colonnes de la nef, pendant que Vassili le mitraillait sans succès de son MP5. Pestilence sortit un pistolet à seringue, et, mi-tirant, mi-courant, tenta de faire de même. Contournant la colonne, je courus dans le but de le rencontrer de l’autre côté. Solvet saeclum in favilla… Arrivant à la colonne où Pestilence aurait du arriver, j’appuyai sur la gâchette avant de le voir, afin d’avoir un tir de couverture et meurtrier, profitant du plus large éparpillement des cartouches de fusil à pompe. Il n’était malheureusement pas à l’endroit prévu. Je compris qu’il s’était couché entre deux rangées de banc en bois, et n’eut que le temps de me jeter en arrière pour éviter une fléchette hypodermique. Teste David cum Sybilla. J’actionnai la pompe, sortis de ma couverture et tirai vers les bancs dont le bois vola en éclat. Le larron était déjà du côté de l’allée, assez éloigné de moi, se releva et se mit à courir en direction du chœur. Quantus tremor est futurus… Trois fois de suite j’actionnai la pompe et tirai dans sa direction, mais sans le freiner le moins du monde. Je compris que mon arme, manuelle, me prenait trop de temps à utiliser. Mon revolver n’avait que huit balles à disposition. J’actionnai trois fois de suite la pompe pour obtenir une petite rafale, et, de l’autre côté des bancs et des colonnes, me mis à courir dans la même direction que ma proie. Quando judex est venturus… Me rendant compte que je l’avais perdu, je ralentis, vis un mouvement derrière la dernière colonne, à quelques mètres de moi, et tirai ma rafale. J’entendis une sorte de grognement, et vis le fusil de mon adversaire par terre. Le mien ne devait plus avoir beaucoup de cartouches, j’en remis toutefois trois dans la chambre. Cuncta stricte discussurus. Contournant prudemment l’obstacle, j’eus à peine le temps de voir une masse fondre sur moi. J’appuyai sur la gâchette, mais rien ne se passa : une cartouche devait être défectueuse. Dopé à l’adrénaline, l’instinct de survie surexcité, j’attrapai la canon de mon fusil de l’autre main et le portai en protection au dessus de moi. J’évitai ainsi un coup d’une massive batte de base-ball traversée par une demi-douzaine d’énorme clous tordus et rouilés. Sous la violence du choc, je roulai par terre, mais évitai à ma tête un choc trop dur.
Dies irae, dies illa solvet saeclum in favilla, teste David cum Sybilla.
Un peu sonné, je me relevai en m’appuyant à la paroi froide de l’église, et tentai un geste ridicule en me servant de mon fusil comme d’une massue et envoyai sa crosse vers la tête de pestilence, qui l’arrêta sans hésiter et sans sourciller avec son bras, que je remarquai ensanglanté, sans doute ma rafale qui lui avait fait lâcher son fusil. Tel un rugbyman traité de pédale, il me chargea d’une violence inouï, et, à peine plus réveillé, j’eus l’impression de voler, jusqu’au moment ou nous atteignîmes le mur et je reçus son poids dans mes côtes. Toujours homme-sandwich, j’entendis trois détonations et sentis trois pressions sur mon ventre. Ce chien avait profité de m’avoir plaqué pour ressortir son pistolet et m’avait envoyé trois seringues, heureusement arrêtées par la crosse de mon fusil, rempart fidèle entre lui et moi. Quantus tremor est futurus, quando judex est venturus… Sans savoir comment, je sortis mon revolver de ma cuissarde et tirai à mon tour trois balles vers l’endroit où je pensais trouver son ventre. Pestilence relâcha sa pression, et je touchai à nouveau le sol. Il recula un peu, et je pus constater que j’avais fait mouche : trois insectes rouges lui dévoraient le foie. Il attrapa sa batte et entrepris de m’éclater la tête, mais je réussit à l’éviter, la douleur rendant ses gestes approximatifs, et je l’achevai proprement de deux balles dans la tête. Proprement, c’et à dire que son crâne éclata et qu’une matière à moitié liquide et odorante m’arrosa. Cuncta stricte discussurus. Je cherchai Vassili du regard. Il était toujours prêt de l’entrée, avec Death ; le combat semblait acharné. Vassili avait lâché son MP5 et avait ses deux DD44 Destrovei dans les mains. Death avait son fusil de précision, et donna un coup de crosse dans la mâchoire de mon compagnon qui tomba à terre. Death épaula. Quantus tremor est futurus… Death reçut un projectile qui semblait provenir de la porte restée ouverte. Puis un second qui fit tomber son fusil. Entrèrent en scène quatre enfants combattants, qui se révélèrent plus tard avoir été les seuls survivants du massacre au fusil sniper de la milice de la cathédrale. Dies irae, dies illa… Je me mis à courir vers eux. Death mit un violent coup de pied à un des gamins, mais du se prendre un coup puisqu’il tomba à terre. Pendant ce temps, Vassili se relevait péniblement. Quantus tremor est futurus… Death sortit un gros pistolet qui ne pouvait être qu’un Sig Sauer 338, pistolet dont les balles de diamètres 14mm faisaient des ravages. Il tira que le premier gamin qui vola et rejoint son camarade ami des volatiles. Ce fut lui qui reçut la seconde balle. Il n’avait pas relevé la tête, et mourut sans avoir vu son adversaire : sa face qui avait depuis longtemps perdu toute joie enfantine fut à moitié arrachée par le plomb et laissa voir le crâne ensanglanté et un reste d’œil. Dies irae, dies illa… Le troisième enfant fit demi-tour et commença à s’enfuir, et reçut la balle dans le dos, probablement la colonne, puisque lorsque je m’en approchai ensuite il essayait en vain de ramper. Death tira une quatrième fois, fit sans doutes mouche, mais je ne pus le constater, ma vision étant bloquée par une colonne. Il se releva. Quantus tremor est futurus… Vassili, un œil à moitié fermé, se mit à le canarder, changeant de pistolet à chaque coup. Mais, sonné, vacillant, il ne fit pas mouche, et Death, se protégeant par une colonne, se rapprocha de lui, et d’une balayette le remis à terre. Sa tête heurta le sol et il ne bougea plus. Pour la seconde fois il fut mis en joue. Quantus tremor est futurus… Vidant mon barillet, je l’obligeai à se mettre à couvert. Voulant me tirer, il ressortit au moment où j’arrivai, mais je lui rentrai dedans, le faisant voler et son automatique également. Quando judex est venturus… Je me relevai le premier, cherchant une arme ou équivalent autour de moi. Je pensai alors à Masamune, toujours dans mon dos, je la sortis, et m’apprêtai à fendre la tête de Death en deux. Cuncta stricte discussurus…Il arrêta ma lame par une épée qu’il avait lui aussi dans le dos depuis le début du combat. L’orient contre l’occident, mon katana contre son épée moyen-ageuse, le bien contre le mal ? C’était un peu facile, le combat ne l’était pas. Mon adversaire commençât par un coup de taille latérale. Cuncta stricte, cuncta stricte… Je fis un pas en arrière et évitai la lame, ma veste de kevlar apprécia moins. Je ripostai avec un coup d’estoc, visant sa gorge avec la pointe de ma lame. Stricte discussurus… Du plat de l’épée, il la dévia, et, continuant la rotation, après un tour complet sur lui-même, me donna en grand dans le flanc toujours du plat heureusement. Je fus toutefois violement projeté contre le mur. Il me donna un grand coup de toute sa hauteur, que j’arrêtai en prenant Masamune à deux mains. La lame n’apprécia pas un tel choc mais résista. J’étais couché à terre et tentait de résister à toute la force de mon adversaire qui appuyait, et allait relever son arme pour asséner le coup fatale, au moins pour mon arme, mais sous l’élan je ne donnais pas cher de mon crâne. Cuncta stricte, cuncta stricte… Death me sourit méchamment, quand soudain une grande détonation se fit entendre, et mon adversaire eut un sursaut. Stricte discussurus… J’en profitai pour rejeter son épée et donnai un mouvement circulaire à ma lame, qui, effilée comme un rasoir, n’eut aucun mal à pénétrer le cou de mon adversaire et lui trancher la jugulaire. Trois giclées de sang sortirent, puis il s’écroula et finit de se répandre sur le sol sacré. La musique s’arrêta. Je regardai derrière, pour voir qui avait tiré. Mais je m’étais trompé. Ce n’était pas un coup de feu qui m’avait sauvé. Je vis le cadavre de Thaddée, qui avait eu la décence de détourner la tête après avoir dégoupillé la grenade, grenade que je lui avais confisqué et qui était restée dans la salle de garde. Elle s’était sacrifiée, mais quelle imbécile. Pourquoi ? C’était vraiment dégueulasse. J’entendis une voix d’asthmatique. Il s’agissait d’Inri, à moitié couché, une large tache rouge au ventre. « Elle a sauvé son âme ; je n’ai pas manqué de lui rappeler en lui rendant sa grenade quel était son rôle et pourquoi elle était venue au monde. Ce n’est que justice. Ha. Haha. Ha ha ha ha ha. » Ce salaud se mit à rire. Je me relevait et lui donnait un coup de pied dans la tête, lui arrachant la mâchoire. Cela me soulageant à peine, je recommençais puis recommençais, encore et encore. Je l’insultais, criais, pleurais. Je finis pas m’arrêter, en pleurs, la vue complètement brouillée, dégoûté, ayant devant moi un corps pratiquement sans tête. Je revint vers Thaddée et vint pleurer sur son petit cadavre transpercé de toute part. Putain de merde…

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