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FALLOUT24

Verset 17 : Dum Differtur, Vita Trancurrit (Veni, Vidi, Vixi)

J’étais dehors, devant la cathédrale et je tentais de faire le bilan. Moi. Physiquement, j’allais à peu près bien. Quelques contusions, de nombreux bleus et hématomes. Ma main gauche était toute lisse et me faisait mal : elle avait été brûlée lorsque j’avais attrapé le canon de mon fusil, encore chaud des coups qu’il avait tiré. Mais d’ici quelques semaines il n’y paraîtrait plus rien. Vassili avait pris un mauvais coup à la tête mais s’était remis. Il était avec le Frère Pierre pour régler les derniers détails. Les quatre motards de l’apocalypse étaient tous morts. La communauté de St John The Divine avait plusieurs foyers d’épidémie sur les bras, mais ne souffrirait pas d’autres pertes si cela était bien géré. Tous les enfants de sa milice avaient succombé, de différentes manières. Au point de vue matériel, mon fusil était fichu : entre le canon courbé à force de se prendre des coups, le mécanisme encrassé par la cartouche défectueuse et qui avait également subi de nombreux chocs, il était bon à mettre au rebus. Mon revolver devait se trouver quelque part dans le tas de cadavres à l’intérieur. J’avais encore Masamune, la lame sévèrement ébréchée, mais encore en état de servir. Au-delà de ça… Niveau mental, je ne me sentais pas très bien. Je ne savais pas trop ce que je ressentais… Haine, colère, désespoir ? J’en voulais à cet imbécile de Frère Pierre, encore plus coupable à mon esprit que les quatre tueurs dont nous avions stoppé la course. Bien sûr, lorsqu’on met un visage sur les victimes, le crime est plus fort. J’étais encore plus dégoûté du fait que les enfants, et en particulier cet enfoiré d’Inri, allaient être béatifiés, alors que Thaddée, simple fille, n’aurait droit qu’au mépris, et serait enfouie dans la fosse commune, avec Death et Pestilence. Vassili sortit et s’assit à côté de moi. Il ne dit rien. Il savait que je ne voulais pas entendre que j’avais la bénédiction de qui que ce soit.
Il fallait rentrer. Nous retournâmes chercher la moto de Vassili, puis il me déposa devant Rebirth City. Cette petite péripétie était terminée. L’aller avait presque duré un mois. Le retour, à peine deux jours. Pourtant, il me semblait avoir prit dix ans. Je traversai le pont-levis : je fus contrôlé à l’entrée, j’appris le lendemain que la fouille était devenue obligatoire, même pour les habitants de la cité. Quand je fus identifié, je fus mené au bureau de Python. Me voyant, il ne fit pas le moindre geste et n’eut aucune expression. Il fit signe aux deux gardes qui m’avaient escortés, et les congédia. Ils fermèrent la porte en sortant. J’étais fatigué, je m’assis donc sur la chaise devant le bureau et lui dit : « voilà, tu as pris ta revanche. Je reviens anéantis. Une fois de plus tu avais raison, je n’aurais jamais du partir. Maintenant que j’ai dit tout ce que tu avais à dire, j’aimerais qu’on oublie cet épisode de ma vie et que tout redevienne comme avant. Si tu as trop de fierté, je prendrai quelques affaires et je repartirai. » Il n’avait pas cessé de me regarder pendant que je parlais, et je ne comprenais pas ce qu’il cherchait. « Ecoute… Il sembla hésiter. Mina est morte. » Le couperet venait de tomber.
Il y a des fois, lorsque la fatigue physique et mentale sont telles qu’on a l’impression de ne plus exister, une mauvaise nouvelle, même la pire qui soit, surtout la pire qui soit, n’a plus aucune conséquence ; c’est une information, rien de plus. Par contre on sait qu’on ne s’en relèvera jamais. La perturbation à peine perceptible sur l’encéphalogramme a finalement disparue. Pas une seconde je ne me posai la question : s’agissait-il d’une mauvaise blague, d’un mensonge ? Lui avait-elle demandé de me dire cela pour me faire mal ? Peut-être en effet que Dieu existe ; peut-être nous a-t-il donné des parcelles de sa divinité. Peut-être sommes nous tous des parcelles de Dieu ; ne dit-on pas qu’Il est le Tout ? Quoi qu’il en soit, il y a des moments où nous partageons son omniscience. Un Dirac de savoir, infiniment court mais infiniment intense. Oui c’était vrai, elle était morte, aucun doute possible. Tant pis. Je ne pouvais plus rien faire. Je me levai, sortis, retournai dans mon ancienne chambre, et me couchai…
Je me réveillai trois jours plus tard. Enfin, réveillai. Je n’avais pas réellement dormi, ni n’avais été éveillé. J’étais resté, yeux ouverts, à regarder le plafond, et à réfléchir… Qu’était-ce : méditation, ressassement des évènements, recherche de l’erreur ? Je ne saurais dire. Je restai longtemps prostré avant de sortir. Puis je me mis à discuter un minimum avec certaines personnes. Mina était morte. Infection urinaire. Stupide non ? Trois jours d’antibiotiques l’auraient sauvée. Mais dans ce monde à la con, la seule chose qui a résisté à la décivilisation sont les armes. Pas les médicaments. Georges Abitbol avait raison... Néologisme intéressant, décivilisation ; j’imagine que ‘’décolonisation’’ n’existait pas avant la fin de la seconde guerre mondiale et l’abandon de l’inde par l’empire britannique. Avant ils n’auraient jamais imaginé que cela puisse exister. Ont-ils un instant pensé qu’un nouveau mot serait créé grâce à leurs économies de guerre, leurs stratégies sur le long terme, dont le long terme nous a montré qu’elles n’étaient pas du tout maîtrisées ? Quelle idée, pour se débarrasser de son ennemi d’aujourd’hui, d’exacerber l’extrémisme religieux au point de se créer son ennemi de demain. Quelle idée d’aller détrôner un petit dictateur qui pourrait être un peu dangereux, si c’est pour laisser le terrain à une pieuvre dont chaque tentacule est armée et dix fois plus mortelle que ce dictateur. Je me doute bien que certains anciens présidents n’avaient pas les capacités intellectuelles de jouer aux échecs, mais tout de même ; on ne va pas bouffer un pion si cela découvre complètement son roi…
Mina était tombée malade trois jours après mon départ. Coïncidence amusante mais complètement sans intérêt : elle aurait pu être infecté trois jours avant ou un mois après, cela n’aurait rien changé : elle serait morte de ce problème bénin car nous n’avions plus de quoi la soigner. Sauf que je n’avais pas été là pour l’accompagner.
Pourquoi étais-je venu ici ? A la base je souhaitais libérer mes amis de l’horrible joug du dirigeant de l’abri. Je pensais revenir en sauveur et tel Jules César proclamer : Veni, Vidi, Vici. Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu. Finalement, ma petite épopée n’avait pas eu la conclusion attendue. Veni, Vidi, Vixi. J’étais venu, j’avais vu… J’avais vécu…
Finalement, je n’avais plus rien à faire ici. Et mes longues réflexions m’avaient au moins été positives pour un point : je m’étais rappelé pourquoi j’étais venu ici. Et je devais terminer ce que j’avais commencé. J’allais me remettre à la recherche de l’abri de New York afin qu’ils m’aident à rendre leur liberté aux habitants de l’abri 24. Je partis donc un matin à l’aube. J’avais pris un Browning dans la réserve, quelques cartouches, j’avais rempli un sac de mes quelques vêtements et de rations de survie, et je m’en étais encore une fois allé. J’avais la vague impression que ma vie était une succession d’errance. Mais j’avais trop attendu. Je revenais à ma quête principale. Python l’avait su ; mais manifestement il n’avait rien fait pour m’arrêter. C’était sa manière de soutenir mon deuil.
Les routes me semblaient plus sûres depuis mes débuts dans ce monde. Je ne rencontrai personne de mal intentionné pendant les quelques kilomètres qui me séparaient de la côte. En effet, pour me rendre à l’abri 32, celui de New York, il fallait que je traverse le bras de mer qui me séparait de la statue de la liberté, sous laquelle il se trouvait d’après mon pipboy.

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