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FALLOUT24

Verset 21 : Fluctuant nec Mergitur

Ma barque s’échoua enfin sur le rivage. Je me retournai impatient de pouvoir enfin contempler la célèbre statue. Elle avait relativement peu souffert. Relativement. Disons que par rapport au reste de la ville, elle avait peu souffert. Enfin. Bref, elle n’avait perdu QUE sa tête et un bras, mais le reste tenait debout. Presque pas tordue. Près des deux tiers des plaques de cuivres extérieures étaient encore là, et l’armature en fer, nue, avait résisté jusqu’au buste. L’avantage, c’est qu’on pouvait visiter la statue, la tour de pise et la tour Eiffel en une fois ! Sinon elle n’avait presque pas changée… … …bon ok, elle ne ressemblait plus à rien !
L’immense socle de brique était intact, seuls l’érosion et le manque d’entretien l’avaient ‘’normalement’’ usé. Une bombe larguée au large avait par son souffle arraché la tête et le bras tenant la flamme ; la plupart du revêtement avait ensuite été arraché par les intempéries et l’on trouvait de nombreuses plaques de cuivres titanesques un peu partout sur l’île. Ce qui restait de l’extérieur avait également partiellement fondu, certainement à cause de la bombe qui l’avait décapitée. Le bras avait disparu, certainement dans la mer, ou alors en morceaux éparpillés autour de moi, mais une partie de la tête était au dessus de l’eau.. Je remarquai alors un homme, habillé en fourrures, à genoux dans le sable et contemplant ce visage, tandis que, derrière lui, une superbe brune semblait s’ennuyer sur son cheval. L’homme pleurait et hurlait : « Les fous ! Ah les fous, les criminels ; ils ont osé, ils l’ont fait ! Ils les ont fait sauter, leurs bombes ! » Je préférai m’éloigner de cet hystérique et me rapprochai des pieds de la statue.
Pour y accéder, je devais déjà passer par-dessus une énorme muraille, un monticule d’une dizaine de mètres qui formait une étoile à onze branches autour du socle à proprement parler. De là, deux étages avant d’arriver au piédestal de trente mètres soutenant la statue qui en mesurait cinquante. Cela allait être une chouette partie de plaisir ! Les entrées principales étaient toutes bouchées : murs effondrés, barricades naturelles ou artificielles, lourdes portes blindées fermées à jamais, je ne savais pas comment j’allais pénétrer cette dame farouche. Néanmoins, en faisant le tour, je dus m’éloigner du socle à cause d’un gros morceau d’armature, sans doute le bras, qui était tombé et s’était encastré dans une partie de la paroi et dans le sol. Je compris que c’était par là que je devrais rentrer. Ce ne fût pas aisé. J’avais heureusement une corde de trois mètres avec laquelle je m’assurai régulièrement. Je passai beaucoup de temps à avancer de quelques mètres, attacher à une poutrelle la corde qui me serrait la taille et dont j’avais fait un baudrier artisanal, puis à redescendre décrocher mon précédent point d’assurage et enfin remonter. Cela me fatiguait également beaucoup plus. Mais, les trois fois, où, soit par fatigue, soit par maladresse, je tombai dans le vide, ces précautions rébarbatives m’empêchèrent de m’empaler plusieurs mètres plus bas. J’arrivai finalement en bas du piédestal en énormes pierres grossières. Il me fallut plusieurs heures de repos pour calmer ma panique et récupérer des forces. Je ne savais pas comment j’allais descendre… Mais là n’étais pas la question. Il fallait maintenant que j’entre et que je trouve l’entrée de l’abri 32, et je ne savais où chercher. J’eus la chance, à cette hauteur, de trouver une porte ouverte. Je dus rapidement craquer une fusée éclairante tant il faisait sombre à l’intérieur. Cela m’handicapa grandement dans mes recherches, ma vision étant limitée à un mètre au maximum. Intuitivement, je cherchai à descendre des étages, pensant l’abri le plus bas possible. Malheureusement, l’intérieur était l’incarnation même du mot chaos. Pillages, destructions, œuvre du temps, il était rarement possible d’aller au bout d’un couloir sans tomber sur un cul de sac, et il fallait régulièrement repousser un meuble, escalader les débris d’un pan de mur écroulé, se frayer un passage dans une jungle de câbles électriques. J’aurais souhaité explorer méthodiquement, étage par étage, mais j’étais souvent obligé de monter avant d’avoir pu tout regarder, je trouvais parfois des escaliers descendants vers des zones inconnues, et les trous dans le plafonds ou les murs étaient à la fois des raccourcis me permettant de traverser ce labyrinthe et pièges cartographiques qui contribuaient à me perdre : même une mémoire visuelle très développée ne différentiait pas un trou d’un autre trou, surtout sous la lumière dont je disposais. Sans compter les fois où j’entendais s’écrouler un morceau supplémentaire de l’édifice, incapable de savoir si c’était un endroit où j’étais passé ou non, si cet évènement m’était bénéfique, me faisant accéder à des zones inexplorées, ou si au contraire il me coupait ma retraite. De plus en plus, j’avais l’impression que cette recherche était vaine, la plupart des pièces rencontrées étant des bureaux ou d’anciens magasins de souvenirs. Rien pour construire un abri protégé pouvant contenir une centaine de personnes. Une fois, pourtant, je trouvai une porte blindée différente des autres ; mais je dus déchanter rapidement, j’étais tombé sur le relais spatio-temporel de Valérian. Je cherchais depuis des heures. J’avais faim et j’étais fatigué. Il devait faire nuit. Je commençais à me demander ce que j’allais faire lorsque j’entendis des bruits. Je me rapprochai, avant de reconnaître le couinement caractéristique des rats. Je ne sais pas si ma lumière ou mon odeur les attirait, mais ils semblaient se rapprocher. Et vite. Et ils n’étaient pas peu nombreux, comme d’habitude. Je me mis à courir, mais la difficulté du terrain me joua évidement des tours. Dix minutes après, je les avais semé. Je ne savais pas où j’étais, j’avais de nombreux bleus, j’avais éventré mon sac et perdu quelques affaires et j’avais une balafre sanguinolente sur une bonne longueur du bras. Mais surtout j’étais complètement perdu dans ce dédale à trois dimensions dans lequel je n’avais aucun moyen de me repérer. Ma dernière fusée me lâcha. J’étais dans le noir, dans une petite pièce, je ne pouvais pas sortir. J’eus soudains du mal à respirer. La panique me pris. Je ne pouvais plus rien faire. La claustrophobie me coupait complètement. Je me mis à tâtonner, à ramper, à courir. Je me cognai, m’écorchai, me fis soudain transpercer le flan par un morceau de métal. Je pensais de façon de moins en moins rationnelle. Merde j’allais crever comme ça dans le noir ! Dans un moment de lucidité, je repérai un mur et lui donnai un coup de tête, le plus fort possible. Je perdis bien évidement connaissance.
Je me réveillai à cause de la souffrance. La faim ; mes membres ankylosés, écorchés ; ma tête qui me faisait plus souffrir qu’après la plus grosse de mes cuites : une bosse énorme et douloureuse s’y était développée ; enfin, ma combinaison, poisseuse, de laquelle sortait un énorme clou rouillé au niveau du flanc. Comment allais-je m’en sortir ? Dans le noir complet, j’avais néanmoins une gêne visuelle. Un début de cataracte ? Il fallut un long moment à mon esprit brumeux pour comprendre que le voile grisâtre qui se superposait au noir environnant était en fait une lueur, un très faible halo à peine discernable. Ma pupille devait être dilatée à la limite de l’explosion. Tout doucement, je me dirigeai dans sa direction supposée. A travers un chaos de métal et de pierre, je perdais régulièrement la trace de cette faible aura d’espoir, mais à chaque fois je finissais par la retrouver, presque perceptible, presque tangible. Enfin, j’arrivai dans une salle dont une partie du sol était éclairée par la lumière du soleil. Mon calvaire n’était pas fini. Je devais escalader deux étages qui s’étaient écroulés, ce qui me permettait presque de voir le ciel dix mètres au dessus de moi. Il ne me fut pas difficile dans un premier temps d’atteindre le premier étage supérieur. Douloureux mais pas difficile. Les nombreux parpaings et autres débris avaient facilement servis à me faire un escabeau de fortune. Mais j’étais désormais sur ce qui restait du plancher : trois poutres métalliques entre deux murs. Et de la il m’était impossible de hisser une caisse pour monter dessus. Il me fallait donc escalader ; le mur était heureusement dans un assez mauvais état pour me permettre de trouver des prises. Parfois, un morceau de métal sortait de la paroi, m’obligeant à me déporter, ou me servant de prise. J’étais presque arrivé en haut. Je sentis soudain mon pied glisser, alors que je m’étirais pour atteindre un bout de tuyau qui semblait idéal pour s’accrocher ; dans l’urgence, je poussai sur l’autre pied, attrapai le tuyau, les pieds dans le vide, et me hissai rapidement pour l’attraper avec mon autre main. Soudain la douleur. Le clou dans mon flanc, autour duquel la blessure s’était – provisoirement – refermée, s’était pris dans une aspérité et avait été arraché. Je sentis le déchirement de chaque parcelle de ma peau ; je sentis la chair se désolidariser ; je sentis le sang, pâteux d’abord, puis poisseux, de plus en plus fluide, chaud, recommencer à couler, sur mon flanc, sur ma cuisse, tomber goutte à goutte sur mon pied, régulièrement. Dire que la douleur me fit hurler serait un euphémisme. J’essayais de me concentrer sur le fait de ne pas lâcher ; je devais absolument me hisser pour passer le tuyau sous mes bras et me reposer. Mais la moindre traction tirait sur ma blessure et je sentais le rythme des gouttes de sang sur mon pied s’accélérer. De plus en plus je sentais que j’allais lâcher. Deux étages plus bas, si je ne me brisais pas la colonne, je serais certainement empalé sur les nombreux débris. Au meilleur des cas je me viderais lentement de mon sang dans ce capharnaüm. C’est alors que j’entendis une voix me demander : « Un coup de main, gamin ? »
Walter Sobchak vivait dans les pieds de la statue de la liberté depuis un sacré moment. Il avait la cinquantaine, ses parents avaient du être de sacrés partisans car il avait les idées de tous les ultranationalistes étasuniens alors qu’il n’avait jamais réellement connu ce monde. Il avait toujours son colt .45, l’automatique de l’armée, inutile puisque sans munitions, accroché à un holster à la cuisse, sur son pantalon treillis sable, le tout surmonté d’une veste sans manche. Après quelques jours de fièvre où il me soigna, craignant le tétanos, je fus sur pied et m’étonnais du fait que, à la veille de la guerre, cinq familles s’étaient réfugiées ici, exposées aux bombes, aux radiations, puis au chaos, alors que la plupart des gens sensés s’étaient enterrés.
« La statue de la liberté, c’est quand même tout un symbole. Notre peuple s’est élevé grâce à la liberté. C’est pour ça que dès que la guerre a été déclarée, ma famille est venue ici pour défendre ce symbole contre les étrangers qui auraient pu la salir. Tous ces noirs et ces communistes. Ils ont jamais rien compris. Enfin. C’est sûr que nous on avait des couilles. C’est pour la liberté qu’on a attaqué le Vietnam, puis l’Iraq, puis l’Amérique du sud, puis l’Iraq, puis la Corée, puis le Canada… Ça c’est sur c’est pas ces couards de français qui protestaient tout le temps contre nos actions de libération qui auraient pu la construire, la statue. C’est pour ça qu’ensuite on a construit la Ballistic Orbital Missile Base ; pour prévenir cette putain de liberté en tuant tous ses ennemis potentiels !
-Je croyais que le projet B.O.M.B-001 avait été abandonné avec le départ précipité du gouvernement Van Buren.
-Barf, on pouvait espérer que le vice-président en charge, Bethesda, avait compris tout l’intérêt du projet et allait le continuer… »
Soudain un bruit de moteur se fit entendre. Walter prit la M16 qu’il avait toujours à portée de main, symbole de liberté selon lui, et un des emblèmes de notre belle nation, il grimpa sur un promontoire ; de là, il avait vue sur la mer. Il lâcha trois courtes rafales. « Encore ces enfoirés de nihilistes ; je les avais prévenu de ne plus s’approcher. » Sans doutes un bateau rescapé de la flottille de Karl. « Sinon tu venais faire quoi dans le coin, garçon ? »
Je lui expliquai qu’il y avait eu un abri anti-atomique quelque part dans les parages, que je n’avais réussi à rentrer qu’ici et que je n’avais rien trouvé. Il réfléchit quelques secondes ; cela ne lui disait rien. « Attends, tu ne vas pas me dire qu’il y a des gens qui ont passé des années dans un bunker, sous terre, à appuyer sur un bouton toutes les 108 minutes ! Heu non, oublie… » Selon lui, l’abri était certainement au rez-de-chaussée. Il me mena à un escalier en colimaçon. « D’ici tu pourra descendre tout en bas ; je l’ai bloqué et rendu étanche à tous les étages intermédiaires, à cause des rats. Je sais pas comment ils survivent encore. Une fois en bas, attention ; si tu sors, les portes ne s’ouvrent que de l’intérieur. Allez bonne chance, moi je reste à défendre le dernier symbole debout de notre empire. Et n’oublie pas : God Bless America ! »
Après une descente chancelante qui me prit une demi-heure – je n’étais pas tout à fait remis – j’atteignis le rez-de-chaussée du socle. Je me remis à la recherche de l’abri, pendant environ une seconde… En face de l’escalier, un panneau indiquait : ‘’ VISIT VAULT 32 – the vault of the future – the shelter that will preserve Liberty in America’’ Walter avait pas du descendre souvent ces derniers temps…
Après quelques centaines de mètres dans un dédale de couloir, j’arrivai à une porte en métal, à fermeture automatique. Je fis tourner le volant pour la déverrouiller, et j’arrivai sur un escalier en fer descendant dans une grande pièce en briques rouges, le haut des murs laissant place à de larges fenêtres déversait une lumière intense et agréable. En face de moi, enfin, l’énorme roue dentée portant le numéro… Heu, il y avait un léger problème : la roue denté n’était pas à sa place… La roue dentée était par terre, couchée au milieu de la pièce, à trois mètres de l’orifice béant qu’elle aurait du boucher. Je me précipitai : en effet, au bas de la porte, une marque d’explosion. Ils avaient du être attaqués ! En même temps, laisser l’emplacement de l’abri à la connaissance de tous… Soudain, un détail me frappa : la marque d’explosion était aussi sur le montant, mais pas à l’extérieur : à l’intérieur du sas… C’étaient donc les habitants de l’abri qui l’avaient fait sauter, sans doute pour s’enfuir. Mais pourquoi ? Au-delà du sas, éclairé par la lumière du jour, un noir de four… J’entrai. Dans le mur, j’ouvris le placard destiné au matériel de sorties : il n’avait pas été pillé ; on avait certainement pris le plus gros à la va vite mais il restait encore quelques objets intéressants. Notamment une boite de fusées éclairantes. J’en craquai une, et, la boite à la main, je franchis la seconde porte. Traditionnellement, l’étage 1, le plus haut, était celui contenant l’infirmerie pour vérifier la santé de ceux qui avaient fait une sortie ; c’était le quartier à mettre en quarantaine en cas de contamination. Je me dirigeai donc directement vers les ascenseurs. Je posai la torche pour ouvrir les portes manuellement, repris ma torche, et cherchai l’échelle de secours sur les parois. Je jetai un regard vers le bas. Cela me parut quand même très sombre. Ce n’était pas seulement du à un manque de lumière, on aurait dit que cela l’absorbait. Pour en avoir le cœur net, je lançai ma torche. J’entendis un plouf au moment où la lumière s’éteignit ! Je me penchai un peu plus : la torche ne s’était pas vraiment éteinte, je distinguais sa clarté s’enfonçant lentement dans l’eau, tandis que sur les parois s’agitaient les reflets si caractéristiques de la lumière aquatique… C’était donc ça… L’abri avait été inondé. Les générateurs principaux, tout en bas, avaient sûrement disjonctés les premiers, empêchant l’ouverture de la porte… Heureusement qu’ils avaient pu récupérer des explosifs en état de marche dans leur armurerie, sinon je n’osais imaginer le pugilat que cela aurait donné. Sans grand espoir, je me dirigeai vers l’infirmerie. Quelle ne fut pas ma surprise de voir l’écran au phosphore du poste médical encore allumé. Je m’en approchai. Apparemment, le dernier générateur délivrait son courant pour maintenir en vie sur le dernier ordinateur au sec un miroir de l’ordinateur principal. Celui-ci affichait :
« Attention : seuil d’humidité max dépassé ; l’eau semble s’être infiltrée dans la zone habitable
Recherche de solution : ……………100%
Solution : mettre du papier cellophane sur les murs et passer tous les angles au pistolet à colle pour créer une jointure. Cela devrait arrêter l’inondation. »
Le système était bloqué, attendant sans doute qu’on lui obéisse…
Sans réfléchir, je sortis de l’abri, puis du bâtiment-socle, je me retrouvai à l’air libre. Il faisait beau et chaud. Mais j’étais tellement perturbé que je ne remarquai ni la nature en joie, ni ma contrepèterie. Mon seul but avait été de joindre cet abri afin de libérer les miens. Et mes espoirs étaient brisés parce que des ingénieurs n’avaient pas prévu de rendre étanche un abri situé sur une petite île, à 5 mètres sous terre.
A la place d’une armée de libérateurs j’avais trouvés quelques poissons et trois têtards.

Ben j’avais pas l’air con…

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