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FALLOUT24

Verset 23 : Auxilia humilia firma consensus facit

Je n’avais presque pas dormi cette nuit là, trop occupé à réfléchir sur ce qui m’avait été dit. Au lever du jour, peu avant six heures, j’allai voir le chef pour me renseigner sur les moyens de défense du village. Me voir si matinal le rassura quelque peu. Une heure après, j’avais devant les yeux trois carabines, deux fusils de chasse dont l’un marchait à la poudre et ne supportait pas les cartouches, une demi-douzaine d’arcs artisanaux, une arbalète et un tout petit pistolet automatique qui faisait peine à voir. A cela s’ajoutait une caisse de grenades vide, qui avait jusque là servi à impressionner les pillards non découragés pas les flèches et qui s’étaient un peu trop approchés. Vu la manière dont je les engueulai, j’imagine qu’ils instaurèrent rapidement mon principe de service militaire : chaque homme de plus de seize ans devait avoir son arc attitré et passer au moins un jour par mois à s’entraîner. S’ils suivaient la moitié seulement de mes directives, ils auraient de quoi faire fuir la plupart des groupes de pillards du coin. Je leur donnai également deux trois idées pour créer une ou deux balistes, arme impressionnante et dévastatrice contre les groupes. Puis j’allai m’installer avec Silenius, le Sniper du Phoenix, dans le préfabriqué de garde, au dessus de la porte du village. Nous discutâmes un long moment, pour nous occuper. Nous parlâmes d’abord des problèmes du Phoenix – notamment une histoire de pont suspendu détruit par des rebelles en bateau –, de python, de la prison, bref de notre monde. Beaucoup des fondateurs du Phoenix étaient mort récemment. Les nouveaux responsables n’avaient pas nécessairement les mêmes vues sur le monde que leurs prédécesseurs. Un courant voulait abandonner Rebirth City, gouffre financier, pour laquelle ils avaient perdus de nombreux hommes et munitions, les attaques de pillards et autres goules se faisant de plus en plus rapprochées et violentes. Ce groupe, minoritaire mais dont la taille augmentait chaque jour, prévoyait dans un premier temps de reformer ses rangs, d’appliquer une politique plus stricte, et éventuellement balayer la racaille de New York. Le groupe majoritaire, lui, pestait contre la politique paternaliste de Python, sa gestion molle et égalitaire de sa petite communauté. Ils voulaient prendre le pouvoir, étendre leur domination à toute la banlieue dans un premier temps avant de repeupler la ville. La dictature militaire qu’ils comptaient imposer était justifiée par l’état martial dans lequel nous nous trouvions depuis des années. Heureusement, ils avaient perdu beaucoup de crédibilité après avoir envoyé un commando assassiner Jude et prendre le WTCF, fait considérable qui aurait du marquer leur prise de pouvoir ; une partie du commando avait sauté sur des mines cachées dans le pont qui permettait d’accéder à l’entrée du gratte-ciel. Ceux qui n’avaient pas été massacrés à distance par les snipers alertés par les détonations avaient été autorisés à rentrer à la base pour raconter leur mésaventure ; du moins la partie au dessus des épaules, le reste ayant été suspendu par les pieds au mur maintenant rougeâtres de l’immeuble. Le dernier courant, encore honoré car il comprenait les trois derniers membres fondateurs du groupe vivants, respectait ce qui avait été fait depuis quelques mois, et considérait que leur mission était d’appuyer la renaissance du monde en soutenant la politique égalitaire entamée par Python. Ce groupe menaçait d’être renversé chaque semaine… Python de son côté, avait également ses problèmes ; alors que les attaques contre sa cité se multipliaient et qu’il devait envisager d’être lâché par le Phoenix, la milice trop récemment formée et inexpérimentée qu’il avait à disposition était vérolée de contestataires qui voulaient prendre le pouvoir. Difficile alors de leur donner des armes sans les conduire au putsch. Les contaminés mis en quarantaine se révoltaient, les paysans se plaignaient qu’en dehors de la ville ils n’étaient pas protégés, les mères de familles reprochaient à Python de vivre protégé derrière sa double muraille alors qu’elles craignaient constamment une attaque meurtrière pour leur famille, et ceux qui ne le trouvaient pas trop peu agressif le pensaient trop laxiste. Dans ce climat plus que tendu, sa garde prétorienne, sur le vif, multipliait les erreurs de tact, et refusait l’accès à la prison aux villageois, ce qui accentuait le fossé. Puis nous parlâmes des grandes questions que je me posais. Il m’aida à remettre de l’ordre. Parler peut parfois faire des miracles. Il me confirma que, quel que soit le choix que je ferais, si je ne le faisais pas à contre cœur, alors ce serait le bon. Il me conseilla enfin, dans mon indécision, de trouver une moyenne entre les deux extrêmes : plutôt que de faire ce qui me plaisait le plus mais dont je craignais les conséquences, ou alors avoir une existence plus conventionnelle mais moins libre, avec le risque dans ce cas de ne pas vivre, je devais selon lui partager mon temps, goûter aux deux, avant de prendre ma décision finale. Dans la vie, il n’y a jamais de mauvais choix, seulement des passages qui rétrospectivement étaient moins bons. L’important est de toujours garder un regard critique et extérieur sur soi, et ne pas hésiter à faire demi-tour : on se trompe vraiment lorsqu’on change d’opinion sans changer de direction.
Après trois heures de conversation, une cloche nous avertit que les pillards arrivaient. Silenius scruta l’extérieur avec ses jumelles, sortit un instant et revint. Yanay s’occupait de diriger les villageois. Nous, protégés par le manque de lumière à l’intérieur du préfabriqué, nous allions faire du tir au pigeon. « Tu sais utiliser ça ? » il me désignait son sniper. Je fus surpris qu’il me le propose, je supposais que cet honneur n’était pas réservé à tout le monde. Il compris mon hésitation. « Je te fais confiance ; je sais que tu prêtes attention à ce qui en vaut la peine. » Il était plus simple pour moi de faire mouche avec un outil de cette précision, tandis qu’il utilisait une des carabines réquisitionnées ce matin. Je regardai par la fenêtre et me mis en position de tir. Il y avait du mouvement dans les ruines et déchets au bas des immeubles, à une cinquantaine de mètres de là. J’entendis une détonation toute proche, qui me fit sursauter, et je pus voir un corps qui s’écroulait par la lunette de mon fusil. A coté de moi, mon compagnon chuchota : « Je suis celui qui bannit, celui qui souffle la dernière chandelle. » Il venait d’ouvrir le bal.
Les talents de sniper de Silenius ne firent aucun doute ; avec son arme imprécise, il dissuada rapidement les pillards de sortir de couvert. Néanmoins, à deux contre quinze, vingt, cinquante, nous avions peu de chances. Nos assaillants tentèrent une attaque en masse, une douzaine de personnes se rua vers les portes avec un bélier improvisé. Yanay choisit ce moment pour donner un ordre, les villageois, cachés derrière le haut de la palissade, se relevèrent et canardèrent le groupe. C’est fou ce qu’un tout petit millier de billes de plomb peut donner comme sens au mot : charpie. Malheureusement, la porte située un petit peu en retrait sous le préfabriqué de garde fournit une protection contre les tirs aux rares survivants du groupe d’assaut, qui commencèrent rapidement leur travail de sape. Nuls doutes qu’une fois ouverte, la porte, peu encline à résister, allait briller dans les yeux de nos assaillants qui allaient se ruer vers l’entrée béante et ainsi faire une percée meurtrière. Yanay n’hésita pas et sauta par-dessus la palissade, à l’extérieur, atterrissant sans mal trois mètres plus bas. Il lâcha une rafale de son Jackhammer, et la mitraille, rebondissant sur la ferraille de la porte et celle du préfabriqué au dessus, créa une nouvelle œuvre qui irait sans nul doute concurrencer à Beaubourg celle effectuée par les villageois quelques secondes plus tôt.
La menace étant écartée, quelqu'un entrebâilla la porte et Yanay passa sous le préfabriqué pour rentrer. Soudain une détonation lointaine ; j’en cherchai l’origine : je trouvai celui qui devait être le chef avec un fusil que je ne distinguai pas bien, et qui venait de tirer plus ou moins dans notre direction. Il était dans ma ligne de mire, et il inaugura un instant plus tard un nouveau type de piercing : à la gorge.
La tête pensante morte, en l’occurrence méchamment arrachée du corps et projetée à trois mètres par un plomb de .223, l’incertitude flotta un instant parmi les pillards survivants. Certains tentèrent un baroud d’honneur qui se termina en publicité pour un célèbre fromage suisse, mais la plupart s’enfuirent. Nous redescendîmes. Yanay était couché par terre, à quelques mètres de la porte. Le sable qui recouvrait le sol, rouge et poisseux, achevait d’absorber le sang qui coulait de sa boite crânienne qui avait littéralement explosé. Sur vingt centimètres s’étendait un long morceau de cervelle en mauvais état ; un œil gisait sur le sable et regardait dans ma direction. Finalement le chef pillard ne m’avait pas visé. Beaucoup de gens s’agglutinaient autour du cadavre et certains s’éloignaient pour aller vomir. Puis ils revenaient regarder à nouveau. Pourtant la vision de ce spectacle ne m’avait même pas fait détourner le regard. L’habitude. Ce fut le premier point qui me décida. Le spectacle de ces gens, dégoûtés mais attirés par l’horreur, par contre, eut un effet nauséeux sur ma personne, et ce fut le deuxième point. Rotten.com à la préhistoire. De Gaulle avait tort : les français ne sont pas des veaux ; les humains sont des porcs.
Une fois les derniers détails réglés avec le chef, nous nous apprêtions à partir. Silenius m’attendait. « Attends, j’ai fait mon choix. Je ne rentre pas.
-Très bien. Je serai heureux de t’avoir rencontré. Si, j’ai un dernier mot à te dire : quelqu'un a dit : ‘’Il faut rire avant d'être heureux, de peur de mourir sans avoir ri.’’ Si tu ne l’oublies pas cela te sera utile.
-Merci… Et toi ?
-Ne t’inquiète pas ; j’ai mes idéaux, et je me bats pour eux. Quand je serai inutile, ou que j’aurai plus d’intérêts à changer de chemin, je te rejoindrai sûrement. Adieu !
-Adieu. »

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