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FALLOUT24

Verset 3: Vae Victis

La première fois que j’ai vu Kurts, il était en train de voler sa poupée à une petite fille. Imaginez un gaillard de près de deux mètres de haut et un mètre de large, Avec un chalumeaux à la main relié à une bouteille de gaz qu’il portait sur son dos, et une grosse clef à molette de soixante-quinze centimètres à la ceinture. Certains auraient dit qu’il était métissé d’asiatique et de noir. Il devait aussi avoir des origines rousses mais de notre temps plus personne ne s’en soucie. En tous cas il avait la peau pain d’épice et des yeux très légèrement bridés. Après la mort de Gavroche j’avais décidé de m’enfoncer plus à l’intérieur de la ville, vers l’est. A cause des histoires que j’avais entendu, j’étais assez méfiant, et assister à la scène me choqua un peu. La gamine décampa après que Kurts lui ait mis une claque qui avait certainement laissé une belle trace rouge, et ce dernier vint tout naturellement me saluer. Je fus un peu désarçonné, mais ce fut un bénéfice puisque les murs de la méfiance tombèrent. Il ne me posa pas de question mais en apprenant que je cherchais un coin un peu plus civilisé, il se proposa comme guide et compagnon, puisqu’il rentrait ‘chez lui’. Il fallait comprendre ‘dans son quartier’ car il était peu probable qu’il ait eut quelque propriété en dehors de ce qu’il portait. Le syndrome de la tortue, monnaie courante a notre époque où l’insécurité est un des principaux problèmes… Lui m’expliqua, devant mon incompréhension, que la fille que j’avais vue avait volé la poupée de sa sœur décédée il y a quelques mois. « Je l’ai enterrée – alors que ça se fait de moins en moins – pour pas laisser son corps aux chiens, alors c’est pas pour laisser son âme aux loups. »

Nous avions très vite sympathisé. Dans ce genre de galère, quand dans la vie il n’y a qu’une seule tactique : survivre, trouver un compagnon est toujours appréciable. D’ailleurs, si je ne le savais pas, nous allions devenir inséparables. Le lendemain de notre rencontre, alors que nous nous préparions à nous reposer pour la nuit, nos affaires étaient éparpillées devant nous et le feu crépitait, Kurts se jeta sur moi. J’entendis une détonation sourde. Nous regardâmes en arrière : si je ne vis rien, mon nouveau compagnon me prévint qu’il y avait trois tireurs en couverture et que nous allions nous faire déchiqueter par quelques rafales de chevrotine si nous intervenions. Seule la fuite était possible, et si mon amour-propre était touché, je voyais Kurts fulminer.
« Et on ne peut pas les contourner ?
-On voit bien que tu es novice dans le genre ; c’est un gang, quand ils attaquent c’est qu’ils ont tout prévu et ne vont pas avoir de perte. » Le lendemain, le peu qu’ils n’avaient pas emporté était saccagé. Le point positif était que l’on avait encore notre armement, Kurts m’avait en effet appris qu’il ne fallait jamais le lâcher, voire dormir avec. « Bon, on a pas le choix ; on va les éclater. » Je venais d’apprendre le programme.

Nous avions suivi des traces quasi invisibles jusqu’à trouver la base de nos voleurs. En réalité, j’avais suivi Kurts qui n’arrêtait pas de marmonner que les autres se croyaient assez forts pour ne pas chercher à dissimuler leur passage. Ils vivaient dans une sorte de bâtiment à un étage qui donnait sur une cour entourée d’un mur percé d’une seule ouverture : l’entrée principale. « Bon, la logique voudrait qu’on cherche à se faire discret et qu’on les attaque par surprise ; dans ce cas on devrait chercher à entrer par l’étage du bâtiment, mais évidement c’est ce qu’ils attendent, donc pour les surprendre, il va falloir passer par l’entrée ». Vu qu’il y avait deux gardes et que le terrain était ensuite à découvert sur vingt-cinq mètres, je ne comprenais pas trop la logique. On se concerta un instant puis l’assaut fut donné.

Je surgis juste en face de la porte depuis des ruines qui m’avaient couvert en tirant trois balles. Le garde à gauche de la porte, armé d’un pied de biche, eut trois mouvements de recul, puis s’affaissa, découvrant sur le mur derrière lui trois taches rouges qui ruisselaient doucement. Sa compagne d’arme me regarda, affolée, en prenant quelque chose à sa ceinture, ce qui lui évita de voir la bombonne de gaz voler vers sa tête. Je préférais ne pas regarder quand Kurts la fouilla, et trouva un couteau à lancer. Ensuite, je fournis un barrage de balle en tirant un peu n’importe comment dans la cour. Néanmoins les trois gardes qui se trouvaient à l’intérieur tombèrent. Pendant ce temps, Kurts avançait accroupi ; il alla achever les blessés, je préfère ne pas imaginer comment, étant donné qu’il n’avait que sa clef et son chalumeau, puis se dirigea vers la porte. J’arrêtai de tirer, car il fallait bien économiser les munitions, et la porte s’ouvrit. Les salopards à l’intérieur devaient attendre que je recharge pour sortir attaquer, mais ils n’avaient pas prévu que nous serions deux, dont un si proche. Le premier à sortir prit un coup de bombonne dans le ventre et le second se fit brûler le visage au troisième degré ; alors qu’il rentrait en hurlant, celui qui le suivait, un peu lent et ne comprenant pas bien, reçut un coup de clef à molette dans la tête et vint repeindre la porte. Celle-ci fut d’ailleurs rapidement refermée et on entendit une barre tomber et barricader ainsi l’entrée. Là nous étions un peu pris au dépourvu, ce n’était pas dans le plan. Je regardai autour de moi : la cour était encombrée de quelques caisses, un peu partout des sortes de trucs, espèces de machins ou genres de bidules récupérés ça et là dans les décombres pour être réutilisés – en tous cas certains semblaient penser que ce serait possible ; il y avait également une sorte d’abri : des planches appuyées sur une barre de fer en U fixée au mur et soutenue par deux autres barres, avec une bâche qui couvrait le dessus. J’allai voir et quel ne fut pas mon étonnement de trouver trois chevaux ! Non seulement c’était la première fois que j’en voyais en vrai, mais en plus je me demandais comment ils avaient survécu à l’holocauste nucléaire. J’entendis soudain une voix qui criait « A terre », suivie d’une forte détonation toute proche qui affola les chevaux ; le crépitement des petits morceaux de métal pénétrant dans un peu tout terminé, je risquai un œil dehors : Kurts, les avant-bras légèrement ensanglantés, se mit à crier « Je vais te la faire bouffer, ta grenade, connard ». Il y avait un gros cercle noir au milieu de la cour, et les caisses proches semblaient en mauvais état. La grenade était partie d’une fenêtre à l’étage, difficilement accessible de l’extérieur. Quand je crus voir une ombre à l’intérieur, je tirai une balle ; au moins le gars savait que je l’attendais et ne se risquerait pas une seconde fois. Alors que Kurts essayait de défoncer la porte à coups de bombonne – ce qui à force commençait à m’inquiéter – je menai un cheval, déjà sellé, sous la fenêtre. Je n’eus pas trop de mal à grimper dessus puis à m’accrocher à la fenêtre – vive les canassons dociles. Je me hissai à l’intérieur de la maison, et eut juste le temps d’attraper mon fusil alors que l’amateur de feu d’artifice m’attaquait. Un bon coup de crosse dans la mâchoire l’étourdit et j’eus le temps de lui tirer une cartouche dans le ventre. Quand je rouvris les yeux, il était adossé contre le mur, la tête pendant en avant et de sa bouche tombait lentement un léger filet de bave rouge. Je compris qu’il n’était pas allé s’asseoir. Je descendis et vis le terrifiant chef de ce gang sans pitié, attablé, le visage dans ses mains, en train de sangloter. J’ouvris la porte, moins pour laisser entrer Kurts que pour aller vomir après toutes ces visions ensanglantées.

Quand je revins, Gengis Khan était debout sur une chaise, les mains attachées derrière le dos. Dans sa bouche, une grenade, dont la goupille était reliée à un crochet au plafond. « Tu vois, je tiens toujours mes promesses, disait Kurts alors que l’autre, ouvrant de grands yeux apeurés, gémissait de plus en plus rapidement et aigu. Je ne te pends pas, et je te laisse en vie. Tu peux descendre quand tu veux ; attention à pas t’endormir ! Si j’avais un harmonica je te jouerais même une chanson d’amitié tellement je te suis reconnaissant de tout le matos que tu nous fournis si généreusement. ‘Fin de toutes façons je ne connais que quatre notes. Tu vois, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont une grenade pratiquement dégoupillée dans la bouche, et ceux qui s’en vont. Moi, je m’en vais… » Et alors que nous sortions, l’autre se remis à émettre des sons, qui signifiaient très certainement « Kurts, t’es le plus grand dégueulasse que la Terre ait jamais portée ». Je ne sais pas pourquoi, mais j’avais soudain envie de spaghettis…

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