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FALLOUT24

Verset 4: Fex Urbis, Lex Orbis

J’avais rapidement fait le tour du bastion : a l’étage, outre un pillard qui faisait prendre l’air à son estomac, quelques couches ; mais le dortoir ne contenait rien d’intéressant. Le rez de chaussée contenait une grande table – une longue plaque de métal soutenue par trois tréteaux – avec des chaises et tabourets, en bois ou en métal, ou de simple caisses retournées ; le seul vrai meuble était un énorme buffet rustique qui n’avait jamais dû quitter la maison depuis sa création. Il était loin d’être beau, le bois avait mal vieilli et semblait très fatigué, et le milieu ployait tellement qu’il touchait le sol sans avoir besoin de pied. Quoiqu’il en soit, il contenait pas mal de nourriture, une bonne réserve de Nuka~Cola (‘’When the blast becomes too hot, take a drink, take a colaFull Metal Jacket. Une fois sorti, Kurts jeta à mes pieds une veste en cuir. « Tiens, ça te donnera un genre et tu auras l’air moins niais qu’avec ton pyjama bleu et jaune. C’était à Atilla. Je ne pense pas qu’il en ait encore besoin, et en plus il n’a pas protesté… Je doute qu’on arrive à trouver d’autres armures non trouées. »

Après avoir fouillé le terrain et récupéré notre équipement encore intact, plus un peu de matos en bonus, Kurts découvrit les chevaux ; il faut dire qu’il commençait à émerger de sa fureur et à voir ce qui se passait autour de lui – cela ne signifie pas pour autant qu’il était choqué comme je l’étais, tout avait l’air d’être normal pour lui. « Génial, trois chevaux ; ça fait un bail que j’en avais pas vu. Ça fait un cheval chacun plus un pour le boucher. » Là-dessus je préférai me taire. La grenade avait fait beaucoup de dégât ; sur les trois fusils du gang, qui étaient portés par les gardes qui rangeaient la marchandise dans la cour, un seul était réutilisable. C’était une carabine ‘Colt Rangemaster’ rafistolée avec une ficelle, mais qui néanmoins semblait fiable et précise.

Alors que nous nous éloignions, j’entendis un coup de tonnerre. Ce à quoi Kurts répondit : « Houlà. J’aimerais pas être là où ça a pété ; à mon avis il doit pleuvoir à grosses gouttes… »

Après quelques temps à chevaucher, pendant lesquels j’avais pu apprécier le confort de nos amis équins, nous arrivâmes dans une partie de la ville qui semblait plus animée. Moins morte. Les bâtiments étaient certes encore en ruine, mais avaient été un peu réparés, des gens vivaient, en communauté, et ne cherchaient même pas à nous manger ! Kurts me précisa que nous étions arrivé au premier vrai centre humain. « Parfois je me dis que l’Homme doit être une sorte d’animal social… La civilisation a disparu, et voilà qu’il se remet tout de même à se regrouper, à reconstruire ; de vraies fourmis : si tu donnes un coup de pied dans la fourmilière, elles se mettent à la reconstruire. Tu peux recommencer et elles continueront leur tâche inlassablement, peu importe que ce soit en vain. Vont-elles un jour faire une révolution ? Quoi qu’il en soit voilà où je vis. »
Nous remontions peu à peu la rue, tous deux à cheval, avec la troisième monture chargée de matériel qui suivait docilement ; nous passions pour les princes de la ville et personne n’osait nous aborder. Les sept mercenaires, même après la mort des cinq premiers, n’en restent pas moins inquiétants et forcent le respect. Par les fenêtres, la plupart sans vitres, on pouvait voir les scènes de la vie quotidienne. On aurait pu se croire deux ou trois cent ans en arrière ; si l’électricité et la technique n’étaient plus là, les gestes ancestraux avaient fini par reparaître. Quelque part, un vieux gramophone sortait d’une voix fatiguée une vielle rengaine sortie d’un vinyle en fin de vie : Maybe.. You’ll think of me.. When you are all alone…
Dans la rue chacun s’affairait, il y avait de nombreuses boutiques, mais rien qui ne soit essentiel à la vie, sauf peut-être une bibliothèque, qui semblait miraculeusement survivre. Marchands ambulants – camelots – se mêlaient aux mendiants et diseurs de bonaventure. Tous les cent mètres, des prophètes promettaient le paradis terrestre ou la vie éternelle, sous le regard amusé des passants : « Dieu est Amour »,  « Il faut que vous trouviez la Voie », « Suivez la pensée du Maître MAÎTRE Maître », « Je vais vous mener à Dryland », etc.

Kurts s’arrêta devant une sorte de quincaillerie dont l’enseigne était aussi poussiéreuse et illisible que les autres, et les murs aussi vieux et craquelés. Il ressortit avec un gros sac de ‘Caps’, la monnaie locale, en fait des capsules de bouteilles qui peu à peu faisaient émerger l’économie et disparaître le troc. Une bonne partie du matériel superflu ramassé chez nos généreux donateurs disparut. Plus loin il s’arrêta comme promis devant le ‘boucher’. De nombreux tas de viande attendaient à température ambiante avec quelques mouches pour compagnie qu’un acheteur se décide. Des petites étiquettes spécifiaient le type de viande et le prix : viande de brahmine à viande de rat en passant par le chien. Le dernier tas, le moins cher, était simplement désigné par : viande. Le boucher, énorme, portait un masque en cuir, sans doute à cause du sang, et avait à portée de main une tronçonneuse. Lorsque Kurts descendit de cheval, l’autre était en train d’accrocher une carcasse sur un énorme crochet, par ce qui avait du être la nuque, dans un gros réfrigérateur mystérieusement encore en état de fonctionner. Il semblait simple d’esprit, et un individu sortit de la boutique d’en face – une ancienne station service qui devait vendre au compte-goutte ses réserves – pour marchander. C’était son père et il voulait que nous attendions car il allait être livré en essence. Un étrange pressentiment me vint et j’eus de plus en plus envie de partir. Heureusement Kurts insistât pour être payé sur le champ et en monnaie. Nous partîmes et mon compagnon m’avoua que nous venions de toucher très gros, une bête de cette qualité étant très rare. Je préférais ne pas penser au pauvre cheval qui allait connaître un massacre à la tronçonneuse.

Nous nous arrêtâmes finalement devant une sorte de saloon. Le rez-de-chaussée était en pierre, sur lesquelles étaient vissées des plaques de métal qui supportaient le premier étage alors que le second était en bois. Le bâtiment n’inspirait pas confiance et semblait tenir par miracle. Le nom du tripot, ‘’ Cafe of Broken Dreams’’, assez poétique en soit, était souligné par l’ancien slogan : ‘’Alkohol – Gaimes – Roomes’’ ; on avait du se rendre compte que cela ridiculisait le bar, puisque qu’une banderole cachait presque le bas de l’enseigne : ‘’Bar - Kasino – Hottel’’. Cela faisait tout de suite plus sérieux. « Voici ma demeure. Avec tout le fric qu’on a, on va pouvoir mener la belle vie pendant un an ici ! » Sur ce, il disparut dans le bâtiment. Je pris le temps de bien attacher les chevaux, vérifiai que rien ne pouvait être volé, et donnai quelques caps à un gamin pour qu’il me prévienne dès que quelqu'un s’approcherait de nos montures.

L’ambiance du ‘café’ ressemblait à peu de choses près à celle que l’on pouvait trouver dans les bars du far-west, lorsque nos valeureux ancêtres avaient repris les terres volées par les indiens communistes et mangeurs d’enfants passés par la Russie. J’avoue que cette partie de mon manuel d’histoire me laissait perplexe, certains détails m’échappaient. Quoi qu’il en soit, un nuage de fumée empêchait de voir le plafond et la musique d’un vieux piano mécanique donnait rapidement mal à la tête. Sur la droite, le bar. Les différents alcools s’accumulaient dans les étagères derrière, les chopes vides et bouteilles renversées dessus, et les alcooliques anonymes à ses pieds. De nombreuses tables recevaient de nombreux joueurs ou buveurs. A gauche, sur la table du même nom, la banque sortait une dizaine de black-jack de suite avec un sabot de deux paquets ; à côté, la table de roulette, dont le frein provoquait un chuintement atroce ; au fond, la table des joueurs de poker, où le patron du café sortait des mains de cinq as ; un peu à droite, les fanas de bras de fer ; tout de suite à gauche de la porte, juste avant l’escalier, l’unique machine a sous, dont la troisième roue se bloquait irrémédiablement sur la cerise, juste avant le 7 rouge. Tout cela dans la bonne humeur générale – de gros rires gras tendaient en tous cas à le prouver – et sans que personne ne s’en étonne. Des gamins payés par les barmen vidaient les poches des clients ivres morts, qui se faisaient ensuite mettre à la rue car ils n’avaient pas de quoi payer. Je cherchai naturellement Kurts chez les gros bras, aux concours de biceps. Chandelles allumées, tessons de bouteilles, planches à clous rouillés voire scorpions attendaient la main du vaincu. J’appris que le tenant du titre était appelé Big Joe. Avant, il s’agissait d’un écossais qu’on appelait Big Mac, mais un jour Big Joe était arrivé et l’avait mangé. Je ne comprenais pas pourquoi, mais cette histoire faisait beaucoup rire mon interlocuteur dont l’haleine avait au moins pour mérite de faire fuir les mouches. En tous cas, mon nouvel ami n’était pas là.

Je finis par le trouver, après un tour au bar, où les différents alcools (bière, bibine, absinthe, alcool médical, alcool distillé maison, alcool de pomme, de patate, de carotte, de bois, la moitié remboursée si vous devenez aveugle) ne m’avaient pas tenté, et où le Nuka~Cola le moins ruineux (le classic) était quatre fois plus cher. « Je te présente Tina, c’est ma copine, en tous cas quand je suis là – rire gras – n’est-ce pas chéri – bruit de sussions, gloussement – ‘fin voilà, j’habite au second étage, je te prête ma chambre – si je l’occupe pas bien sûr – rire gras, encore. »

C’est ainsi que quelques semaines s’écoulèrent : la chambre de Kurts était composée d’un lit (un matelas de mousse surélevé par un sommier délatté), d’une commode dont le premier tiroir contenait des fripes, le second des nippes, et le dernier des vieilleries qu’il avait trouvé et qu’il lui semblait intéressant de garder. Au dessus de la commode, une étagère, contenant divers livres, un trésor même si personne n’en voyaient la valeur ; de nombreux Cat’s Paw, un magazine très intéressant que je ne lisais pas pour les photos, mais parce que les articles étaient vraiment bien, si si !, des livres sur la survie en plein air et un exemplaire de Guns&Bullets où un article expliquait comment démonter et remonter un 10mm en moins de vingt secondes, yeux bandés et mains derrière le dos. Je n’en voyais pas vraiment l’utilité mais c’était intéressant. Je prenais la chambre la nuit et Kurts et Tina le jour. Pendant que je dormais ils s’amusaient dans le saloon, et pendant que je visitais la ville… …Je préfère ne pas savoir exactement.

L’univers dans lequel j’évoluais ressemblait un peu à un western cyberpunk. J’avais droit aux représentants les plus originaux de ce que l’on appelait les Wastelands dans le bar. Entre les gros baraqués barbus et chevelus qui jouaient toute leur fortune au bras de fer et les gringalets hallucinés qui vivaient dans leur propre monde et adoraient un circuit imprimé retrouvé miraculeusement dans des décombres, on trouvait un très large panel de personnages tous plus ou moins déjantés et caricature d’eux-mêmes. Certains allaient même jusqu’au bout de leur rôle. Un jour j’avais rencontré Kurts, en bas, au bar – petit événement en soi parce qu’en général, le temps que je puisse accéder à la salle de toilette commune de l’étage (un lavabo, des toilettes, et une citerne pour l’eau courante), il avait déjà investi la chambre. Il sirotait en regardant un groupe de quatre motards attablés dans le fond de la salle – lieu que j’avais nommé caverne de l’éternelle brume à cause de la fumée omniprésente. Cheveux longs jusqu’aux omoplates, l’air peu commode, la barbe et un bandana encadrant une paire de lunette noire, jeans et blouson de cuir sans manche, ils faisaient partie de ma catégorie ‘gros baraqué’, mais étrangement ne se mêlaient pas aux autres. Kurts me parla sans me regarder : « Sont bizarres.
-Oui, en effet ; ils n’ont pas d’arme, c’est étrange.
-T’as raison, c’est étrange, ils n’ont pas d’arme apparente. C’est là que tu te méfies. Le pire est qu’ils sont venus en moto. Et qu’ils ne les surveillent pas. A ce niveau là je ne suis pas sûr que ce soit un style qu’ils se donnent. »
C’était le genre de nomades qui bougeaient de communauté en communauté, mais ils devaient être plutôt expérimenté pour avoir passé la barrière en moto. C’était ainsi que Kurts appelait le quartier des goules par lequel j’étais passé ; il disait que cela protégeait son coin des pillards et autres prédateurs du désert. En sortant, je vis les motos : des choppers, au long cadre, et sur le réservoir desquels étaient fixés en lettres gothiques de fer forgé des termes agréables tels que War, Death, etc. Sur le côté de l’une d’elles, des mains coupées étaient enfilées à la suite et attachées à une sacoche. Bigre, ils n’avaient pas l’air de plaisanter.

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